mercredi 30 novembre 2011

Vu sur le Net / Se désintoxiquer de la langue de bois




Alors que les licenciements sont devenus des plans de sauvegarde de l’emploi, ou que votre banquier se veut votre partenaire, il est temps de se poser certaines questions. Franck Lepage s’est lancé dans cette bataille très politique : celle des mots. Avec d’autres travailleurs socioculturels, lassés des euphémismes et des mensonges du langage du pouvoir, il a lancé une coopérative d’éducation populaire : la Scop Le Pavé. Leurs « conférences gesticulées » sillonnent la France... et la Toile.

mardi 29 novembre 2011

Il fait noir la nuit

Photo : Barbara Lecomte.

Ils ont décidé que chaque vendredi, tous les lampadaires de la ville seraient éteints. Toutes les enseignes. Les feux de signalisation. Et même les gyrophares. Ils ont décidé aussi que tout se rallumerait le lundi matin. A 5 heures. Quelques uns piaffaient, mettant le réveil à 4 h, ou 4 h 30. Des nostalgiques.
Les premières semaines, beaucoup trouvaient cela drôle. Amusant. C'était comme un jeu.
Soudain, il faisait nuit la nuit. Noir le soir. On jouait dans les rues, à se tamponner qui contre le voisin, qui contre un mur pas vu. Des éclats de rires fusaient et prenaient volume. Des cris déchiraient.
Tout le monde redécouvrait les bruits de la nuit noire. Les silences aussi. On sursauta plus souvent. Les chats semblaient très à l'aise. Les chiens moins. Les animaux semblaient plus nombreux. Les corneilles riaient.
Dans les médias, sur le net, beaucoup parlaient de ces week-ends si différents devenus.
Tout changeait. Tout devait changer.
Quelques semaines plus tard, ils décidèrent aussi de couper purement et simplement l'électricité.
A la source.
Une sirène nous prévenait. Quatre coups. Un silence. Trois coups. Un silence. Deux coups. Un silence. Un coup. Et clac. Le silence.
Officiellement, c'était pour nous laisser le temps de nous préparer. C'était inutile. Nous avions tous bougies et lampes de poches à proximité. Avec l'habitude, le par coeur faisait son office.
Il restait cette marche lugubre vers la nuit qui redonnait son impatience au lever du jour.
Des effets inattendus se produisirent.
Les naissances. Dynamisées.
La violence. En chute libre. Sauf dans certaines mesures. Il fallait passer ses nerfs.
Les hôpitaux, les commissariats, les tribunaux. Moins fréquentés. Ou pas pour les mêmes raisons. Moins de violences, de drames, mais plus de suicides, d'auto-mutilations.
Le commerce des bougies, des lampes de poche, des briquets, des allumettes. Dopé.
Les finances locales. Et nationales. Requinquées par toutes ces dépenses en moins.
Les librairies, la presse. Boostées. Internet ? En veille à ces moments-là.
On constata aussi des terreurs nocturnes. Les cabinets des psys se remplissaient et l'on n'était pas loin de se demander si les églises, les temples, les mosquées n'allaient pas en faire autant.
Le samedi soir avait perdu de son lustre.Le jeudi devenait une nouvelle coqueluche. Des collégiens et des lycéens séchaient les cours en semaine. Les arrêts maladies s'arrêtaient le jeudi.
Et ainsi de suite.
La lumière venait du noir, en quelque sorte. L'éclaircie de la nuit.Voilà que les repas aux chandelles avaient le vent en poupe. Que les jeux de société retrouvaient du clinquant. Et du pimpant. Pour beaucoup, un vent d'absolue nouveauté soufflait. Quelques anciens se remémoraient les nuits d'antan. Des cauchemars resurgirent. Quelques uns entendaient à nouveau les bombes tomber, les chars passer, les soldats courir.

La mesure, drastique, imaginée comme telle, n'avait pourtant qu'une seule vocation : réduire la facture énergétique. Faire en sorte, avait déclaré le président, que le pays donne l'exemple, prenne une décision forte et symbolique. D'elles-mêmes, seuls raies de lumière finalement choquant dans cet océan soudain de suie, les voitures avaient cessé de rouler dans les nuits de vendredi à samedi, de samedi à dimanche et de dimanche à lundi.
Le pays se mit tout simplement à moins consommer. Et, avait-on l'impression, de moins se consumer.



Il fait noir la nuit

Photo : Barbara Lecomte.

Ils ont décidé que chaque vendredi, tous les lampadaires de la ville seraient éteints. Toutes les enseignes. Les feux de signalisation. Et même les gyrophares. Ils ont décidé aussi que tout se rallumerait le lundi matin. A 5 heures. Quelques uns piaffaient, mettant le réveil à 4 h, ou 4 h 30. Des nostalgiques.
Les premières semaines, beaucoup trouvaient cela drôle. Amusant. C'était comme un jeu.
Soudain, il faisait nuit la nuit. Noir le soir. On jouait dans les rues, à se tamponner qui contre le voisin, qui contre un mur pas vu. Des éclats de rires fusaient et prenaient volume. Des cris déchiraient.
Tout le monde redécouvrait les bruits de la nuit noire. Les silences aussi. On sursauta plus souvent. Les chats semblaient très à l'aise. Les chiens moins. Les animaux semblaient plus nombreux. Les corneilles riaient.
Dans les médias, sur le net, beaucoup parlaient de ces week-ends si différents devenus.
Tout changeait. Tout devait changer.
Quelques semaines plus tard, ils décidèrent aussi de couper purement et simplement l'électricité.
A la source.
Une sirène nous prévenait. Quatre coups. Un silence. Trois coups. Un silence. Deux coups. Un silence. Un coup. Et clac. Le silence.
Officiellement, c'était pour nous laisser le temps de nous préparer. C'était inutile. Nous avions tous bougies et lampes de poches à proximité. Avec l'habitude, le par coeur faisait son office.
Il restait cette marche lugubre vers la nuit qui redonnait son impatience au lever du jour.
Des effets inattendus se produisirent.
Les naissances. Dynamisées.
La violence. En chute libre. Sauf dans certaines mesures. Il fallait passer ses nerfs.
Les hôpitaux, les commissariats, les tribunaux. Moins fréquentés. Ou pas pour les mêmes raisons. Moins de violences, de drames, mais plus de suicides, d'auto-mutilations.
Le commerce des bougies, des lampes de poche, des briquets, des allumettes. Dopé.
Les finances locales. Et nationales. Requinquées par toutes ces dépenses en moins.
Les librairies, la presse. Boostées. Internet ? En veille à ces moments-là.
On constata aussi des terreurs nocturnes. Les cabinets des psys se remplissaient et l'on n'était pas loin de se demander si les églises, les temples, les mosquées n'allaient pas en faire autant.
Le samedi soir avait perdu de son lustre.Le jeudi devenait une nouvelle coqueluche. Des collégiens et des lycéens séchaient les cours en semaine. Les arrêts maladies s'arrêtaient le jeudi.
Et ainsi de suite.
La lumière venait du noir, en quelque sorte. L'éclaircie de la nuit.Voilà que les repas aux chandelles avaient le vent en poupe. Que les jeux de société retrouvaient du clinquant. Et du pimpant. Pour beaucoup, un vent d'absolue nouveauté soufflait. Quelques anciens se remémoraient les nuits d'antan. Des cauchemars resurgirent. Quelques uns entendaient à nouveau les bombes tomber, les chars passer, les soldats courir.

La mesure, drastique, imaginée comme telle, n'avait pourtant qu'une seule vocation : réduire la facture énergétique. Faire en sorte, avait déclaré le président, que le pays donne l'exemple, prenne une décision forte et symbolique. D'elles-mêmes, seuls raies de lumière finalement choquant dans cet océan soudain de suie, les voitures avaient cessé de rouler dans les nuits de vendredi à samedi, de samedi à dimanche et de dimanche à lundi.
Le pays se mit tout simplement à moins consommer. Et, avait-on l'impression, de moins se consumer.



lundi 28 novembre 2011

Nous marchions sur la route déserte en tendant parfois le pouce lorsqu'une voiture passait à proximité mais on s'en fichait qu'elle s'arrête ou pas.
Les jours filaient et nous rions, parfois aux éclats, tout nous faisait rire en vérité.
Un crapaud. Un brin d'herbe. Du vent sous une jupe.
Nous avions la vie devant nous, tout simplement. Elle prenait la forme de cette route départementale durant cet été-là.
Nous avions décidé de partir tous les trois à l'aventure. Nous avions convoyé la soeur de Vincent dans une colo de vacances et pris ensuite la route pour rejoindre des amis quelque part près du Puy-en-Velay. Nous avions opté pour le stop et décidé de prendre le temps.
Nous allions droit devant.
Nous évoquions les filles et regardions le vent souffler dans les arbres.



Source d'inspiration

 

Au bord de la rivière (3)

Le début de l'histoire est là. La suite est ici.

Quelques jours plus tard.
Il n'est pas encore 13 heures et le temps n'a plus vraiment d'importance.
D'un accord commun, il s'est suspendu.
C'est aujourd'hui.
Chacun sait que cette fois n’est pas comme les autres. Que rien ne sera plus pareil après. Et qu'avant déjà semble loin, tout ramassé, une toute petite étincelle dans un océan de minutes.
Plusieurs mois se sont écoulés, déjà. Mais c'est juste un hier. Un hier de rien du tout. Chacun sait ce qu'il va se passer. Ni elle ni lui ne savent comment ça va se passer. Ce qu'ils vont trouver.
Ils ont mangé, comme les autres jours, chacun sur ses genoux, sandwich pour lui, salade pour elle.
Ils sont au bord de la rivière. Pas âme qui perce alentour, ni pêcheur, ni jeunes qui braillent, ni promeneur en quête de vent. Pas de vent non plus. Peut-être juste quelques carpes qui nagent tranquillement. Pas d'aviron, en tout cas.
Ils se jettent des regards comme des éponges qu'on aimerait offrir à l'autre. Ils se les jettent à la figure ne sachant quoi en faire.


Eric trouve le moyen de se demander quel âge il a au juste à cet instant. La question parfois le taraude.
Audrey a perdu son mari il y a quelques années. Déjà.
Un cancer.
Six mois assez incroyables, en fait. Elle s’est retrouvée veuve dans l’église avant d’avoir réellement pu comprendre ce qu'il se passait. S'est même étonnée d'être dans une église en ployant sous les assauts humides de dizaines de personnes venues là.
Elle y repense, là, tout de suite.
Ils n’étaient pas spécialement un couple heureux. Mais ça allait. Ils s'étaient plus et ne se déplaisaient pas encore. La vie filait son bonhomme de chemin. Il était rentré un soir, blanc comme jamais. N'avait pas posé ses clefs sur le meuble, n'avait pas ôté ses chaussures. Il était allé s'allonger sur le canapé, comme ça, directement. Elle finissait de préparer le repas. Ou bouclait un dossier. L'ordinateur était allumé. La télévision éteinte. Elle avait profité de la fin de journée pour mettre un peu de musique. Un triple CD, une compilation en fait, intitulée Silence. De la musique douce.
Elle se rappelait précisément qu'au moment de son arrivée, c'était un morceau de Mozart, Larghetto From Clarinet Quintet. Larghetto.
Elle avait fini par s'approcher. Elle venait s'enquérir de son appétit. Savoir ce qu'il voulait. Comment il allait. Elle avait avancé tout doucement au cas où il se soit endormi. En réalité, il la fixait de ses yeux ronds comme des billes et emplis d'une lueur qu'elle ne lui connaissait pas.
Il ne la laissa pas lui caresser le visage. Elle l'avait entendu murmurer quelque chose. Des mots qui ne sortaient pas.
Tu as dit quoi ? …. Je ne t’entends pas bien. Tu dis quoi ? …. 
Il pleurait.
Puis il avait sorti de sa veste un papier. Il le lui avait tendu. Elle avait pris le courrier, le papier, du bout des doigts, tout doucement. Ses mains commençaient à trembler. Sa lèvre aussi. Elle avait compris que ce papier disait la mort à venir. Ou quelque chose s'approchant. Elle avait vu l'entête de l’hôpital. Elle décida de ne pas lire et fit semblant, quelques secondes, pas plus. Puis elle le força à la regarder. Elle lui a demandé ce qu’il y avait. Il avait déglutit. Plusieurs fois. Puis d’une voix sourde, à peine plus épaisse que de la poussière invisible, prenant son assise comme on se prépare à tomber depuis un gratte ciel, il avait dit : J’ai un cancer. … Je… Je sais que je ne vais me battre… Pas pouvoir… Je vais mourir, Audrey. ... Je ne pas envie de me battre. Je n'en ai pas le courage. Je sors de l'hôpital, je ne t'avais rien dit pour que tu ne t'inquiètes pas, pour que tu ne viennes pas avec moi, aussi. Le médecin m'a expliqué. J’ai décidé de refuser tout traitement. Je ne veux pas crever comme un chien. Je….
Elle pleurait avec cette étrange sensation que c’étaient ses larmes à lui.
Il lui avait demandé de respecter sa volonté. Elle le fit.
Elle se demandait encore maintenant si elle avait raison de le suivre comme un seul homme.
Ils s'étaient mariés, ils s'étaient aimés. C'était comme si la cause était entendue. Et d'une manière certaine, elle l’était.

Toute une époque

Une date. Cochée sur l'agenda. Enfin non, pas cochée. Entourée. Par un stylo rouge. Surlignée. A l'aide d'un fluo jaune.
Je ne sais pas encore si cette date est un début de fin. Ou la fin d'un début. Ce qui est sûr, certain, c'est qu'elle est délivrance. Je l'attendais depuis si longtemps !
Cela ne m'empêche évidemment pas d'avoir une sacrée trouille.
C'est que tout bascule, quand même.
Cette fois pour de bon.
Quelque part, j'aimerais retrouver cette inconscience de l'époque.
Cette force de soi qu'on a dans certaines occasions.
Que soit même on est surpris.
Je suis né dans une petite ville et je suis monté à la capitale avec mon rêve en poche.
Lorsqu'on monte dans la capitale avec des rêves en poche, on a souvent les poches aussi vides qu'une poubelle après le passage des éboueurs. Mon estomac était à l'avenant. Il sonnait le creux.
J'ai trouvé une piaule et je mangeais plus souvent qu'à mon tour des boites de thon.
Des pâtes, aussi.
Sucres lents.
Petit à petit, j'ai fait mon chemin et mon rêve a pris corps. Je suis entré dans ce journal, j'y ai gravi les échelons. Le soir, je lisais du Flaubert. J'ai toujours aimé Flaubert. Je n'essayais pas de lui ressembler, plume au bec. Personne ne peut lui ressembler. J'essayais d'écrire, tout simplement.
J'ai commencé par collecter des résultats, puis je suis devenu pigiste. Et enfin journaliste.


dimanche 27 novembre 2011

Rampe de lancement

Photo Francis Beurrier

Je suis toujours gêné aux entournures quand on me demande de reparler de cette période. Evidemment.
J'en suis assez fier, pourtant. Mais lorsqu'elle se frotte aux regards des autres, j'ai toujours en fait ce curieux réflexe de rentrer dans la terre par les épaules, avec le désir de n'apparaître plus.
Non que cela me semble loin, plutôt que c'était difficile à expliquer. Pour ne pas dire impossible.
Je veux probablement trop convaincre. Justifier quoi ? L'inexplicable. Oui, il y a de cela.
Alors je regarde Rosa qui me sourit de son drôle de regard, elle ferme les yeux.

Je préférerais tellement, dans ces moments-là, être de ceux qui renoncent, balancent un poignet nonchalant, genre laisse tomber la neige.
Mais du fin fond de ma glotte, les acides pointent aussi sec leur bout de gras, je sens mon cuir se tanner, mes mamelons enfler, mon coeur s'accélérer.
Je sais les autres amusés, évidemment. Ils me disent allez, raconte. Ils se moquent. Et je raconte.
Ma vie sur terre.
Au sens littéral du terme. Théâtral, aussi.
Ma vie sur terre pendant une année.
J'avais décidé de relever ce curieux défi.
Mais comment dignement expliquer à quelqu'un que pendant une année, on a vécu à même le sol, s'interdisant de marcher, rampant si besoin, dormant dans les fougères, zigzaguant pour échapper à la pluie, passant selon les saisons de la gadoue à la terre sèche ? Comment ?
Pourtant, alors que les années ont  passé, alors que de la poussière semble avoir poussé sur mes souvenirs jusqu'à former une croûte épaisse aussi dure que du béton, alors que finalement, j'ai presque fini par me convaincre que j'ai  rêvé, ou cauchemardé, presque fini aussi par me dire que ça ne s'est jamais produit en réalité, il y a toujours ce alors raconte qui débarque.
Je veux nier. Je ferme les yeux. Et je cherche quoi dire.
L'essentiel, de toutes façons, c'est que j'ai fini par rencontrer Rosa et que tout a changé, alors.
Je m'étais redressé et je ruminais moins. J'avais perdu cette drôle d'habitude qui me faisait aller regarder passer les trains.
Quoi que ce n'est pas tout à fait exact.
Je n'ai pas rencontré Rosa. Brel l'a chantée bien avant moi. Rosa non plus ne m'a pas rencontré. Nous nous étions retrouvés, des années après, bien des années plus tard, c'était aussi incroyable que cela. Aussi simple, aussi. Elle était devenu belle entre temps et moi je rampais. Pire. Je me souviens très précisément que ce jour-là, je lisais un reportage sur la traite des blondes, des blondes d'Aquitaine. J'étais allongé dans l'herbe, je buvais, curieusement je dois le dire, un verre de lait moi qui n'aime pas trop ça. Je machouillais un brin d'herbe. Une paille.
Et c'est alors qu'elle était apparue dans mon champ de vision, plus belle encore que dans mes souvenirs les plus tristes.
Je l'avoue : ce sont ses seins que je vis en premier, et je me souviens parfaitement avoir adopté un air bovin de suprême splendeur, mes yeux allant de ses seins à mon verre de lait en passant par l'herbe et le magazine.
Je me sentais minable. Et immense.
Un an que j'étais au sol, à quai. Un an que j'appliquais ma décision : regarder le monde à hauteur de brin d'herbe, tout près des racines.
Et ce bout de femme qui déboule alors, jambes solidement cambrées, jambes que je ne vois même pas puisque donc c'est la poitrine qui me saute aux yeux.
Elle sourit, enfin il me semble. Et je me lève, alors, et je tremble.
Tellement longtemps que je ne me suis pas mis debout. Tellement longtemps que je rampe comme un ver de terre, que les bestioles de toutes sortes en particulier les fourmis et les araignées sont mes voisines les plus proches, que les moutons et les vaches me regardent de haut. Tellement longtemps...
Et Rosa qui débarque et qui m'embarque. Qui me dit, tais-toi. Qui m'ajoute, ne t'inquiète pas.
Ce séjour fut en fait ma rampe de lancement.

Rampe de lancement

Photo Francis Beurrier

Je suis toujours gêné aux entournures quand on me demande de reparler de cette période. Evidemment.
J'en suis assez fier, pourtant. Mais lorsqu'elle se frotte aux regards des autres, j'ai toujours en fait ce curieux réflexe de rentrer dans la terre par les épaules, avec le désir de n'apparaître plus.
Non que cela me semble loin, plutôt que c'était difficile à expliquer. Pour ne pas dire impossible.
Je veux probablement trop convaincre. Justifier quoi ? L'inexplicable. Oui, il y a de cela.
Alors je regarde Rosa qui me sourit de son drôle de regard, elle ferme les yeux.

Je préférerais tellement, dans ces moments-là, être de ceux qui renoncent, balancent un poignet nonchalant, genre laisse tomber la neige.
Mais du fin fond de ma glotte, les acides pointent aussi sec leur bout de gras, je sens mon cuir se tanner, mes mamelons enfler, mon coeur s'accélérer.
Je sais les autres amusés, évidemment. Ils me disent allez, raconte. Ils se moquent. Et je raconte.
Ma vie sur terre.
Au sens littéral du terme. Théâtral, aussi.
Ma vie sur terre pendant une année.
J'avais décidé de relever ce curieux défi.
Mais comment dignement expliquer à quelqu'un que pendant une année, on a vécu à même le sol, s'interdisant de marcher, rampant si besoin, dormant dans les fougères, zigzaguant pour échapper à la pluie, passant selon les saisons de la gadoue à la terre sèche ? Comment ?
Pourtant, alors que les années ont  passé, alors que de la poussière semble avoir poussé sur mes souvenirs jusqu'à former une croûte épaisse aussi dure que du béton, alors que finalement, j'ai presque fini par me convaincre que j'ai  rêvé, ou cauchemardé, presque fini aussi par me dire que ça ne s'est jamais produit en réalité, il y a toujours ce alors raconte qui débarque.
Je veux nier. Je ferme les yeux. Et je cherche quoi dire.
L'essentiel, de toutes façons, c'est que j'ai fini par rencontrer Rosa et que tout a changé, alors.
Je m'étais redressé et je ruminais moins. J'avais perdu cette drôle d'habitude qui me faisait aller regarder passer les trains.
Quoi que ce n'est pas tout à fait exact.
Je n'ai pas rencontré Rosa. Brel l'a chantée bien avant moi. Rosa non plus ne m'a pas rencontré. Nous nous étions retrouvés, des années après, bien des années plus tard, c'était aussi incroyable que cela. Aussi simple, aussi. Elle était devenu belle entre temps et moi je rampais. Pire. Je me souviens très précisément que ce jour-là, je lisais un reportage sur la traite des blondes, des blondes d'Aquitaine. J'étais allongé dans l'herbe, je buvais, curieusement je dois le dire, un verre de lait moi qui n'aime pas trop ça. Je machouillais un brin d'herbe. Une paille.
Et c'est alors qu'elle était apparue dans mon champ de vision, plus belle encore que dans mes souvenirs les plus tristes.
Je l'avoue : ce sont ses seins que je vis en premier, et je me souviens parfaitement avoir adopté un air bovin de suprême splendeur, mes yeux allant de ses seins à mon verre de lait en passant par l'herbe et le magazine.
Je me sentais minable. Et immense.
Un an que j'étais au sol, à quai. Un an que j'appliquais ma décision : regarder le monde à hauteur de brin d'herbe, tout près des racines.
Et ce bout de femme qui déboule alors, jambes solidement cambrées, jambes que je ne vois même pas puisque donc c'est la poitrine qui me saute aux yeux.
Elle sourit, enfin il me semble. Et je me lève, alors, et je tremble.
Tellement longtemps que je ne me suis pas mis debout. Tellement longtemps que je rampe comme un ver de terre, que les bestioles de toutes sortes en particulier les fourmis et les araignées sont mes voisines les plus proches, que les moutons et les vaches me regardent de haut. Tellement longtemps...
Et Rosa qui débarque et qui m'embarque. Qui me dit, tais-toi. Qui m'ajoute, ne t'inquiète pas.
Ce séjour fut en fait ma rampe de lancement.

Coin de soleil

Photo : Francis Beurrier - Texte : Didier Jacquot.

Je m'étais juré que jamais je n'y retournerais.
Elle était morte là, quand même.
On l'avait retrouvée il y a quelques jours. Un flingue entre les jambes. Un trou béant.
Les flics avaient parlé d'un suicide. Affichaient leur étonnement. C'est rare, m'avaient-ils confié, qu'une femme utilise un revolver.
Je m'étais demandé s'ils étaient insensibles ou cons.
Qu'est-ce qu'ils ont à dire des choses pareilles à un type qui chiale et qui a les mains qui tremblent ?
Ce mardi, je suis donc monté dans le train et de gare en gare, il a fini par me ramener là.
J'avais mal partout. Au dos, aux jambes, à la tête, aux tripes.
J'avais peur et j'étais vivant. Moi.

A l'époque, nous avions rampé et je tenais le pinceau. Il faisait nuit. Pour tout dire, on ne voyait rien. Rien du tout. On savait à peine où nous étions. Nous avions les genoux écorchés et nous nous en foutions comme on se fout d'une douleur à 18 ans. Nos jeans étaient maculés de cambouis et autres couleurs suspectes.
Nous avions repris notre souffle. Nous ne nous embrassions pas encore.
J'avais fait juste une tache. Une seule. De ce jaune tournesol que nous aimions tant. Une tâche sur un rail. On s'était dit en rigolant, on dit des rails ou des raux ? Fou-rire.
Nous avions ensuite regardé la peinture dégouliner et avions noté comme elle s'était arrêté pile à un moment, traçant des lignes, des chemins.
Nous avions compte les filets. On les avait appelé les lignes de vie.
J'avais regardé Dora comme jamais je n'avais regardé quelqu'un comme ça.
Elle avait dit que toutes les lignes s'arrêtaient brutalement, quand même. Ca fout un peu la trouille, elle avait ajouté. j'avais cru qu'elle me draguait. Je lui avait prêté mon pull. On avait regardé encore, et j'avais dit : Ce que nous venons de faire, c'est notre coin de soleil. Il suffira de venir ici à chaque fois que besoin et se réchauffer simplement en le regardant.
Elle n'avait rien ajouté et moi non plus.
Nous étions juste restés longtemps, à regarder dans les yeux ce soleil-là, le nôtre.
Nous avions notre coin de soleil et c'était tout ce qui comptait. On ne demandait rien d'autre à la vie que de posséder quelque part un endroit qui n'appartenait qu'à nous.
Cette nuit-là, nous fîmes l'amour dans un vieux wagon et j'ai paumé le pinceau.
Nous mîmes une rage qui aurait dû nous alerter.
Je n'avais pas de capote et elle ne prenait pas la pilule.
La vie avait fait son oeuvre comme disent les optimistes. Sa merde, comme pensent les pessimistes.
Plusieurs nuits de wagon et plusieurs haltes devant le soleil et nous arrivâmes vite en septembre. Chacun repartait vers son destin. Diplômes, stages, emplois.
Je venais juste d'apprendre qu'elle était partie et que j'avais un fils de 17 ans. Elle me donnait rendez-vous au soleil. Je m'étais juré de ne jamais revenir là et je reviens là pour la voir elle qui n'est plus là.
Je ne suis pas seul à le partager, ce coin de soleil. Il a un fils. Et moi aussi.

Coin de soleil

Photo : Francis Beurrier - Texte : Didier Jacquot.

Je m'étais juré que jamais je n'y retournerais.
Elle était morte là, quand même.
On l'avait retrouvée il y a quelques jours. Un flingue entre les jambes. Un trou béant.
Les flics avaient parlé d'un suicide. Affichaient leur étonnement. C'est rare, m'avaient-ils confié, qu'une femme utilise un revolver.
Je m'étais demandé s'ils étaient insensibles ou cons.
Qu'est-ce qu'ils ont à dire des choses pareilles à un type qui chiale et qui a les mains qui tremblent ?
Ce mardi, je suis donc monté dans le train et de gare en gare, il a fini par me ramener là.
J'avais mal partout. Au dos, aux jambes, à la tête, aux tripes.
J'avais peur et j'étais vivant. Moi.

A l'époque, nous avions rampé et je tenais le pinceau. Il faisait nuit. Pour tout dire, on ne voyait rien. Rien du tout. On savait à peine où nous étions. Nous avions les genoux écorchés et nous nous en foutions comme on se fout d'une douleur à 18 ans. Nos jeans étaient maculés de cambouis et autres couleurs suspectes.
Nous avions repris notre souffle. Nous ne nous embrassions pas encore.
J'avais fait juste une tache. Une seule. De ce jaune tournesol que nous aimions tant. Une tâche sur un rail. On s'était dit en rigolant, on dit des rails ou des raux ? Fou-rire.
Nous avions ensuite regardé la peinture dégouliner et avions noté comme elle s'était arrêté pile à un moment, traçant des lignes, des chemins.
Nous avions compte les filets. On les avait appelé les lignes de vie.
J'avais regardé Dora comme jamais je n'avais regardé quelqu'un comme ça.
Elle avait dit que toutes les lignes s'arrêtaient brutalement, quand même. Ca fout un peu la trouille, elle avait ajouté. j'avais cru qu'elle me draguait. Je lui avait prêté mon pull. On avait regardé encore, et j'avais dit : Ce que nous venons de faire, c'est notre coin de soleil. Il suffira de venir ici à chaque fois que besoin et se réchauffer simplement en le regardant.
Elle n'avait rien ajouté et moi non plus.
Nous étions juste restés longtemps, à regarder dans les yeux ce soleil-là, le nôtre.
Nous avions notre coin de soleil et c'était tout ce qui comptait. On ne demandait rien d'autre à la vie que de posséder quelque part un endroit qui n'appartenait qu'à nous.
Cette nuit-là, nous fîmes l'amour dans un vieux wagon et j'ai paumé le pinceau.
Nous mîmes une rage qui aurait dû nous alerter.
Je n'avais pas de capote et elle ne prenait pas la pilule.
La vie avait fait son oeuvre comme disent les optimistes. Sa merde, comme pensent les pessimistes.
Plusieurs nuits de wagon et plusieurs haltes devant le soleil et nous arrivâmes vite en septembre. Chacun repartait vers son destin. Diplômes, stages, emplois.
Je venais juste d'apprendre qu'elle était partie et que j'avais un fils de 17 ans. Elle me donnait rendez-vous au soleil. Je m'étais juré de ne jamais revenir là et je reviens là pour la voir elle qui n'est plus là.
Je ne suis pas seul à le partager, ce coin de soleil. Il a un fils. Et moi aussi.

Hors du temps, or du temps



Finalement, on peut se sentir chez soi en allant chez elle.
Un de nos amis nous a offert une soirée resto, à madame et à moi. Et ce fut sacré cadeau.
De ces moments où l'on est toutes les époques à la fois. Hier, maintenant, demain. Tout cela s'invite sans aucune hâte. Rien ne s'entrechoque. Tout est bien. Et tout est bon, aussi :-)
Cet ami généreux nous a donc fait découvrir Chez elle, un endroit unique en son genre, que pas une seule seconde on ne savait qu'il existait et que sans doute pas une seule fois nous n'aurions songé à nous y rendre.
Pas d'enseigne, pas de porte menu pour ce resto : on est chez quelqu'un. Ce quelqu'un, c'est Nicole.
Elle habite ici.
Elle a juste équipé une cuisine et aménagé quelques pièces pour recevoir 20 personnes à chaque fois.
Ce que nous avons mangé, c'est ici.
Mais il y a plus.
Il y a une soirée joliment nichée dans cet hors du temps et pleine à craquer des secondes vécues.
Un hors du temps par les saveurs, genre là.
Un hors du temps aussi parce que si nous sommes à quelques encablures de la ville et de ses cités commerciales, nous nous retrouvons dans un havre de paix, au coeur d'un vieux village, que pas une seule seconde en arrivant et en repartant on a idée, souvenir que l'agitation est là, juste derrière. L'autoroute est à cinq minutes à peine. Mais magie des sons, quelconques reliefs font barrière et l'on n'entend rien.
Un hors du temps enfin parce chez elle, c'est comme chez papy et mamy. Les serviettes sont immenses, on a envie de se les nouer autour du coup. Les meubles et les assiettes viennent direct du fond des âges et l'on se sent en permanence entouré, enrobé, délicatement, discrètement.
Un hors du temps qui donne envie de tout savourer, de prendre le temps, justement.
Un hors du temps qui fait parler à voix basse, sourire, car brillent les papilles et se pourlèchent les mirettes.
Un moment de bien être et d'être bien.

samedi 26 novembre 2011

Je crois que personne ne peut se promener seul au bord de la mer sans penser à Dieu. 

vendredi 25 novembre 2011

La contribution n°17


 

La contribution n°17,
"Pour une République des services publics" :
-Refaire des services publics des vecteurs de progrès économique et social
-Réaffirmer la responsabilité du politique dans l'amélioration des services publics
-Refonder les services publics en partant des besoins des citoyens

Sur le site de Terra Nova, vous pourrez
-Prendre connaissance des 21 propositions
-Téléchargez  (en PDF) la totalité du rapport ou sa synthèse.




Tour d'ivoire

Photo : Francis Beurrier - Texte : Didier Jacquot.

Le plus compliqué, finalement, ce n'est pas de tomber de haut. C'est de remontrer la pente.
C'est un étrange moment, celui juste après la chute.
Pas loin de la perfection.
Tout semble en mouvement, et tout semble figé.
Il règne un silence qui ne ressemble pas au silence.
J'avais beau tendre le bras pour tenter d'appeler de l'aide parce que les mots avaient décidé de ne sortir pas de ma bouche, rien n'y faisait. Il me fallait me rendre à l'évidence. M'y résoudre. J'étais au fond.
Au fond du trou.

J'étais même sans forces quand une lance sembla me transpercer. Venue de derrière. Sans un bruit.
L'eau qui perlait dans mon dos n'était pas liée aux parois mais bel et bien à moi.
Je cessai aussitôt de balancer mes bras vers le ciel, clouant le bec à ce geste dérisoire auquel même moi je ne croyais pas.
Quant à l'eau qui me brouillait la vue, elle exprimait finalement plus la honte et la rage qu'un quelconque chagrin.
Je me surprenais à penser qu'il était temps que ça sorte, tout ça.
Personne pour me répondre. Je me demandai comment un muet faisait pour hurler.
J'esquissais mon pas de danse pour moi seul, désormais, et alors que je contemplais la margelle invisible de ce puits que j'étais devenu à moi-même, alors que je cherchais vainement à trouver des prises pour amorcer ma remontée, alors que regardant partout alentour, je ne voyais rien qui puisse me tirer vers le haut, je fis le choix de m'asseoir et de laisser couler. J'étais devenu liquide. Sombre en bas et blanc en haut.
Les larmes et la sueur furent mes seules compagnes pendant un moment. J'étais incapable de dire combien. Combien de temps. Car toute notion du temps m'avait quitté.
Ce furent peut-être des secondes. Peut-être des minutes. Peut-être des heures.
J'étais assis-là, à regarder les mille et une cases de mon maintenant, ne sachant plus où était mon passé, où se nichait mon futur. Toutes ces portes ne demandaient sans doute qu'à s'ouvrir mais j'étais en fuite et à la seule idée d'essayer d'en ouvrir une, une seule, je me sentais à bout de forces.
Mon corps pesait alors des tonnes.
Je contemplais l'escalier de ma vie à venir, incapable pour l'instant d'emprunter la première marche.
Seule la lueur du ciel allait me guider désormais.
J'étais en vie.
Et je n'étais plus immortel.
Je trouvais que c'était une bonne idée.

Tour d'ivoire

Photo : Francis Beurrier - Texte : Didier Jacquot.

Le plus compliqué, finalement, ce n'est pas de tomber de haut. C'est de remontrer la pente.
C'est un étrange moment, celui juste après la chute.
Pas loin de la perfection.
Tout semble en mouvement, et tout semble figé.
Il règne un silence qui ne ressemble pas au silence.
J'avais beau tendre le bras pour tenter d'appeler de l'aide parce que les mots avaient décidé de ne sortir pas de ma bouche, rien n'y faisait. Il me fallait me rendre à l'évidence. M'y résoudre. J'étais au fond.
Au fond du trou.

J'étais même sans forces quand une lance sembla me transpercer. Venue de derrière. Sans un bruit.
L'eau qui perlait dans mon dos n'était pas liée aux parois mais bel et bien à moi.
Je cessai aussitôt de balancer mes bras vers le ciel, clouant le bec à ce geste dérisoire auquel même moi je ne croyais pas.
Quant à l'eau qui me brouillait la vue, elle exprimait finalement plus la honte et la rage qu'un quelconque chagrin.
Je me surprenais à penser qu'il était temps que ça sorte, tout ça.
Personne pour me répondre. Je me demandai comment un muet faisait pour hurler.
J'esquissais mon pas de danse pour moi seul, désormais, et alors que je contemplais la margelle invisible de ce puits que j'étais devenu à moi-même, alors que je cherchais vainement à trouver des prises pour amorcer ma remontée, alors que regardant partout alentour, je ne voyais rien qui puisse me tirer vers le haut, je fis le choix de m'asseoir et de laisser couler. J'étais devenu liquide. Sombre en bas et blanc en haut.
Les larmes et la sueur furent mes seules compagnes pendant un moment. J'étais incapable de dire combien. Combien de temps. Car toute notion du temps m'avait quitté.
Ce furent peut-être des secondes. Peut-être des minutes. Peut-être des heures.
J'étais assis-là, à regarder les mille et une cases de mon maintenant, ne sachant plus où était mon passé, où se nichait mon futur. Toutes ces portes ne demandaient sans doute qu'à s'ouvrir mais j'étais en fuite et à la seule idée d'essayer d'en ouvrir une, une seule, je me sentais à bout de forces.
Mon corps pesait alors des tonnes.
Je contemplais l'escalier de ma vie à venir, incapable pour l'instant d'emprunter la première marche.
Seule la lueur du ciel allait me guider désormais.
J'étais en vie.
Et je n'étais plus immortel.
Je trouvais que c'était une bonne idée.

Maquillée

Petit à petit, elle a recommencé.
A se maquiller.
Elle qui ne se maquillait plus. Ou plus discrètement.

Au début, c'était sans doute pour masquer les traces des nuits sans sommeil, ces nuits de mauvais sommeil, plutôt, où le sommeil s'absente justement, laissant les journées emprunter ce rythme du chaos debout.
Se maquiller pour déguiser la misère. Mettre de la paillette sous les yeux pour crever l'écran noir. La pupille ne trichait pas.
Puis les antidépresseurs avaient progressivement produit leur effet. Si l'on peut dire.
Elle s'était calmé, en tout cas, tissant une étoffe dans des semaines se succédant les unes aux autres. Elle avait pris l'air d'ailleurs quelques temps, était revenue, s'était installée accueillant du bout des pommettes un quotidien figé.
A certains moments d'étranges rires hauts perchés jaillissaient, délaissant le timbre grave, comme une chaîne de vélo saute parfois sans crier gare.
Elle déraillait mais tenait le cap tant bien que mal/
Elle avait continué à se maquiller, en tout cas.
Les mois passant, son moi semblait toutefois se réaffirmer. Lentement. Sûrement. Le changement agissait. Elle apportait plus de soin à sa silhouette, désormais. Et à ses habits. Il lui arrivait de sourire. Pour de vrai.
Petit à petit, elle a ainsi repris.
Le chemin de sa vie.
En se maquillant pour être belle et plus seulement pour se masquer.
Le choc avait été rude.
Tous ces projets dévalés d'un coup, cul par-dessus tête, hors la vue.
C'était lorsqu'il lui avait dit qu'il ne pouvait plus. Qu'il était parti. Lui demandant d'en faire autant.
Sans fard.

Musique inspirante

Maquillée

Petit à petit, elle a recommencé.
A se maquiller.
Elle qui ne se maquillait plus. Ou plus discrètement.

Au début, c'était sans doute pour masquer les traces des nuits sans sommeil, ces nuits de mauvais sommeil, plutôt, où le sommeil s'absente justement, laissant les journées emprunter ce rythme du chaos debout.
Se maquiller pour déguiser la misère. Mettre de la paillette sous les yeux pour crever l'écran noir. La pupille ne trichait pas.
Puis les antidépresseurs avaient progressivement produit leur effet. Si l'on peut dire.
Elle s'était calmé, en tout cas, tissant une étoffe dans des semaines se succédant les unes aux autres. Elle avait pris l'air d'ailleurs quelques temps, était revenue, s'était installée accueillant du bout des pommettes un quotidien figé.
A certains moments d'étranges rires hauts perchés jaillissaient, délaissant le timbre grave, comme une chaîne de vélo saute parfois sans crier gare.
Elle déraillait mais tenait le cap tant bien que mal/
Elle avait continué à se maquiller, en tout cas.
Les mois passant, son moi semblait toutefois se réaffirmer. Lentement. Sûrement. Le changement agissait. Elle apportait plus de soin à sa silhouette, désormais. Et à ses habits. Il lui arrivait de sourire. Pour de vrai.
Petit à petit, elle a ainsi repris.
Le chemin de sa vie.
En se maquillant pour être belle et plus seulement pour se masquer.
Le choc avait été rude.
Tous ces projets dévalés d'un coup, cul par-dessus tête, hors la vue.
C'était lorsqu'il lui avait dit qu'il ne pouvait plus. Qu'il était parti. Lui demandant d'en faire autant.
Sans fard.

Musique inspirante

Torrent d'été (2)

Le début de l'histoire est là.


Photo Francis Beurrier
Il y avait eu ces retrouvailles.
Une rue, deux arrêts de bus qui se font face, elle d'un côté, moi de l'autre. Sourires.
La première fois, son car arrivait, elle avait haussé les épaules, semblant dire désolée, puis elle était partie. Deux jours après, nous avions eu le temps de nous donner nos adresses mail et nos numéros de portables, enfin le sien, je n 'en avais pas. Alors nous échangions des courriels.
Un jour je me décidai à l'appeler. J'y avait réfléchi longtemps. Ce n'était pas mon style d'appeler comme ça. Maëlle, qu'est-ce que tu dirais d'un coup de folie, comme à l'époque ? je lui avais lancé, m'entendant moi-même, le cœur battant, les tempes en feu. J'ai réservé un bungalow près de Perpignan. Je pars demain. Si tu veux, tu fais la route avec moi. Ou tu me rejoins là-bas.

J'avais mis cent vingt-trois mille points de suspension derrière cette dernière phrase. Je manquais de souffle, subitement.
Ce fut le silence qui me répondit.
Je commençais à me dire que j'avais été con, que j'allais tout péter, d'autant que je n'avais rien réservé du tout. Je réfléchis, elle avait finit par murmurer.
La seconde précédant le coup de fil, je n'avais pourtant pas la moindre idée de ce que j'allais lui dire. J'avais jeté à la poubelle des boules d'essais tous plus décevants les uns que les autres. Je pensais assez classiquement à ce qui vient finalement à l'esprit dans ces moments-là, le restaurant, éventuellement le cinéma.
C'était soir. J'étais à la maison. Sarah dormait. Sa mère était partie. Sa grand-mère n'allait pas tarder à nous rejoindre pour passer quelques jours avec nous.
C'est ça, en fait, qui m'avait décidé.
Ma mère allait venir et sa morve au nez, pour gentille qu'elle soit, allait encore me plomber davantage comme si c'était utile. A ma moue j'ai opposé l’irrépressible désir de voir Maëlle, de la serrer contre moi. J'ai juste pensé chiche et j'ai pris son numéro de téléphone. J'ai téléphoné. Allez, je me disais, le destin, il n'est pas là que pour les caprices. Que pour faire mal. Il peut aussi nous jouer de bons tours, nous filer le coup de main. Tente le coup. Tu verras bien. Inch allah !
J'avais pris cette habitude de puis quelques temps : ponctuer nombre de mes élans, et ils étaient peu nombreux, par inch allah. Ca claquait bien à mes oreilles, comme un coup de langue, comme on se frotte les mains, ça me donnait du courage, ça exclamait.
Je triturais le coin de la serviette en papier de chez Point chaud qu'elle avait trouvée dans son sac pour écrire son numéro. Elle décrocha tout de suite. Elle ne répondit pas à ma proposition. J'entendais juste ses oreilles sourire. Je crois.
Elle m'avais juste dit, je t'envoie un SMS dés que je peux.

Cela me mis face au vent froid de la réalité. Je me rendis comte que je ne savais absolument rien d'elle aujourd'hui tellement j'étais resté rivé sur notre passé. Est-ce qu'elle était mariée ? Ou pas ? Avait-elle des enfants ? Ou non ? Moi non plus, je ne lui avais rien dit de tout cela. Je peinais à me souvenir de ce que nous nous étions raconté lors de nos échanges par mail.  Je savais vaguement qu'elle travaillait dans un restaurant, je n'avais pas cherché au juste à savoir ce qu'elle y faisait précisément. J'en avais déduis que c'était la patronne, quelque chose comme ça. Elle ne pouvait qu'être patronne.
Je repris le fil de notre discussion.
Je serai sans doute parti, alors.
Pas grave, elle avait répondu en raccrochant.
Je la souhaitais rire, je la craignais soupirer.
J'envoyai une bise à inch allah, et je serrai les poings.

Dédaigneux, les citoyens, vraiment ?

Bien aimé lire cet article du Point : le boucan des politiques, le dédain des citoyens.
Parce que c'est vrai, les premiers, ils en font, du "boucan*".
Je ne vais pas dire qu'on entend plus que ça, faut pas exagérer non plus, mais on n'en est pas loin.
A moins que ce ne soient les médias, entre les deux, qui contribuent à cette notion de boucan ?
En tout cas, c'est vrai, les citoyens, ils sont plutôt silencieux, dans ce débat. Ou cette cacophonie.
Au point qu'à certains moments, ils sont tout aussi assourdissants de par leur silence.
Je n'ai pourtant pas l'impression qu'il y ait du dédain dans l'air. Je perçois d'autres vapeurs.
Selon les contextes, plutôt de l'indifférence, de l'abattement, de la colère sourde.
Ce qui me donne envie du coup de poser ici la question. Les questions, plutôt :-)
Ce silence populaire, à votre avis, il dit quoi ?
Partagez-vous cette idée de dédain ?
Votre avis sur cette distance entre les politiques et les citoyens ?
Et quel rôle des médias, là-dedans ? Parce que bien sûr, pour que petites phrases soient reprises, il faut en face des oreilles, des micros, des caméras, des stylos...

* En tout cas, le mot boucan, il est sympa côté étymologie. J'apprends en effet, via le wiktionnaire,que boucan, ça vient de l'ancien verbe boucaner, « imiter le cri du bouc », boucan étant l'équivalent dialectal de bouc et symbole de la débauche. D'où le sens vacarme, les lieux de débauche étant souvent bruyants, « cf. les sens figurés de bordel » (Robert historique). Fichtre !

mercredi 23 novembre 2011

Fragrances (2)

Le début de l'histoire est là.

Caroline n’était pas loin. Physiquement s’entend.
Pour le reste, elle était ailleurs depuis pas mal de temps elle aussi et dans son cas, beaucoup de choses étaient devenues sans importance aucune. Elle évoluait dans d’autres sphères. Elle avait terriblement maigri, et sans faire squelette, on voyait bien que la peau sur les os asséchait sa silhouette que je continuais pour ma part à trouver fort jolie.
Elle ne semblait pas rongée : elle l’était. Bouffie, allongée. Son visage avait perdu son ovale pendant que la pupille avait gagné en noirceur et en sillons. Tout cela tentait de se noyer dans l’alcool et les relents morbides qui lui faisaient adorer Massive Attack, un grave point de discorde entre nous. Je ne comprenais pas son attachement pour ce groupe et j’avais beau essayer de lui faire découvrir mille et un trucs, rien n’y faisait, toujours elle y revenait, c’est comme un havre, tu comprends, elle me disait, j’ai mes repères, je me sens bien, c’est mon monde. En plus de sa vie de tous les jours, elle avait ajouté une autre vie, celle des nuits sans sommeil, du tabac froid, des rencontres éphémères, des sexes assoupis, des réveils sans mémoire. Oublier Daniel, mais pas que ça.

Nous tenions bon notre promesse, héritée d’une soirée feu de camp dans le Jura où restés tous les deux bien après que les autres soient allés se coucher, nos frôlements avaient fini par nous inquiéter.
J’ai peur, avait soudain soufflé Caroline dans mes oreilles alors que mes mains étaient plus proches que jamais au point que moi-même je n’y croyais pas. J’ai envie, très envie, elle murmura, mais déjà, je ne l’entendais plus. Je ne voudrais pas que nous foutions tout par terre, Marc, je pense que ça ne serait pas une bonne idée que nous le fassions.
Les points de suspension m'avaient terrifié. C'est comme si soudain, nos lèvres s'étaient mises à parler une langue inconnue, un langage inoubliable pourtant. Car il m'avait ensuite trotté dans la tête plus d'une fois, et il m'arrivait encore de l'entendre.
Je m’étais levé en lui disant l'exact contraire de ce que je pensais, quelque chose du genre, tu as raison, restons-en là, ne nous quittons pas, ne nous quittons jamais.
Mille fois elle avait eu raison. Mille fois je m'étais maudit.
J’avais longtemps porté une douleur insupportable dans le bas-ventre. Ce soir-là, apaisée, soulagée, satisfaite, elle s’était endormie la tête contre mon épaule pendant que j'avais été incapable de trouver le sommeil, crampes dans les jambes, dans les pieds et une furieuse envie de jeter du caillou. J'avais laissé crever le feu de bois. Je ne bougeai pas et fit promesse. Elle devint ma sœur.
Je comprenais sa réaction. Combien de nos amis s'étaient oubliés après le rubicon ? Combien de galères s'étaient jouées après des lèvres trop pendues ou des verres mal embouchés ?
Le lendemain, elle mettait sa main dans celle de Daniel alors que nous randonnions le rire aux éclats parce qu’une averse avait éclaté sans que nous ayons pensé une seule seconde à le prévoir. Nous marchions hilares dans des torrents de boue. Ils s’embrassaient à pleine bouche pendant que j’enlevais la crotte épaisse qui transformait mes baskets en péniches.

lundi 21 novembre 2011

Ma dame

Elle restait assise derrière sa fenêtre, délaissant les pas lents, au pays des gestes tranquilles.
En ce temps-là, la télévision ne tournait pas à vide. La vieille radio ne crapotait pas grand chose. On mangeait des petits beurres. Des sardines sur des tranches de pain beurré. C'était ainsi. Le long couloir était un magnifique terrain de foot.
Elle regardait l'animation de la rue. Quand il y en avait. Elle en prenait des bribes. Ses doigts courraient parfois entre deux aiguilles. Lui somnolait sur son fauteuil.
Une image vraie qu'on pourrait pourtant croire tirée des Vieux, de Jacques Brel.
La fameuse pendule, qui fait tic tac.
Les vieux meubles, qui semblent assoupis.
Le temps qui dirait-on s'est suspendu.
J'aimais me trouver là, près d'eux, dans ce silence rempli de tant de choses. Dans cet appartement auquel j'accédais par un escalier de bois, que je dévalais en partant, que j'avalais en arrivant.
Je n'étais pas chez moi chez eux, j'étais chez eux, et j'aimais cela.
Il en valait bien d'autres, ce silence, y compris des plus sonores. Des plus tonitruants. Des plus lustrés.
Ils parlaient peu et leur économie n'était ni de façade, ni reflet d'un manque.
Des gens de peu, immenses dans leur chaumière.
Grands de ce qu'ils taisaient, le regard bienveillant finalement, l'air de ne pas y toucher, de n'en penser rien, l'expérience au diapason.
Tout à l'heure, elle irait faire quelques ménages, elle préparerait le repas, rapporterait du pain.
Il irait à la pêche. Ou faire une pétanque. Il aurait été quelques temps dans le jardin. Ou bricoler une planche.
Elle marcherait à pied. Il se baladerait en mobylette. Je reprendrais mon vélo.

Source d'inspiration

L'énergie

Je me suis toujours demandé si en fait, tu n'avais pas choisi. Au fond. Tout au fond. Très au fond. Dans ces interstices de soi que nul ne connaît et qui parfois nous sont inconnus y compris à nous-même. Enfin, je parle de celles et ceux qui... écopent...
Tu n'as pas choisi cette chute, cet accident, ces souffrances alentour, bien sûr. Mais peut-être que finalement, à un moment, tu as décide de ne pas rester. De ne pas rester parmi nous. Tu t'évadais parfois, inutile se se le cacher.
Comme si toute cette énergie... Que sait-on finalement des souffles de vie ?
Souvent j'ai cette impression en fait : ceux qui s'en vont, peut-être sont-ils plus heureux maintenant. Je ne m'étais jamais fait la réflexion que peut-être, ils n'étaient pas heureux avant. Et que l'accident, la maladie... Peuvent-elles êtres des libérations ?
C'est assez idiot, comme pensée, peut-être.
C'est sûrement là pour conjurer quelque chose. Peut-être une rassurance, pour un type qui reste sur terre et qui trouve de bonnes raisons de pleurer l'âme tranquille. Au frais. Ou de bonnes raisons pour avancer, et avancer encore.
Qui sait ?
Quelques uns de mes disparus ont été victimes d'accidents.
J'ai pensé, c'est mieux comme ça. Autant de ne pas trop souffrir, finalement. Autant ne pas s'épargner trop de déchéance, trop de handicaps, trop de je ne sais quoi. A moins que ce ne soit cet air de vie brisée que pour certains, l'accident aurait déclenché. Et les regards alentours ?
D'autres ont été terrassés par des maladies, et j'ai pensé, voilà, il (elle) ne souffre plus. C'est peut-être mieux comme ça. Tellement vu de masques, d'interrogations dans les yeux.
Que sait-on finalement des souffles de vie ? Et comme je suis admiratif de celles et ceux qui se battent, au-delà parfois de l'entendement.
Vous êtes magnifiques.

Source d'inspiration

Vu sur le net / Sous le regard des autres

Sous le regard des autres - TZVETAN TODOROV, article Psychologie

L'appétit de la reconnaissance est désespérant. Comme le remarque plaisamment Sigmund Freud à l'occasion de son quatre-vingtième anniversaire, « on peut tolérer des quantités infinies d'éloges »(5). Même la reconnaissance de conformité, plus paisible que celle procurée par la distinction, exige qu'on en recommence quotidiennement la poursuite. Notre incomplétude est donc non seulement constitutive, elle est aussi inguérissable (autrement on serait « guéri », aussi, de notre humanité).

vendredi 18 novembre 2011

Mon Marathon de la Vérité

Voilà. Pour la septième fois, je suis à la veille de mon premier marathon. Car à l'approche de la course, l'expérience ne sert à rien. Les mêmes inquiétudes, les mêmes doutes et les mêmes appréhensions s'invitent et bizarrement, à chaque fois plus nombreuses. On cherche les raisons et on trouve toujours. On saurait rassurer les autres mais qu'ils ne s'avisent pas d'essayer de le faire avec soi, on les verrait venir et ne croirait aucune de leurs salades, même sincères.
Dimanche, c'est le (et mon) quatrième Marathon des Alpes-Maritimes et j'ai trois ans de plus qu'à mon premier. Marseille, Rome et Paris ont évité la monotonie, mais jouer à domicile déclenche une adrénaline particulière, surtout lorsque le "à domicile" nous offre un tel parcours dans un tel cadre. Adrénaline chauvine, partisane, subjective ? Peut-être. Assumons.
Cette course sera pour moi le Marathon de la Vérité. C'est ainsi que je l'ai qualifié lors de mon inscription. Dimanche, il me dira si je suis définitivement sur la pente descendante et peut-être en phase terminale ou si ma catastrophique prestation d'avril dernier à Paris n'était qu'une méforme ponctuelle et passagère. Réponse Dimanche après-midi.
Jamais aucune préparation n'aura été aussi variée et aussi chaotique : Me fiant toujours au même programme (dix semaines à raison de 4 sorties dont une longue) estampillé "senior", j'ai dû pour des raisons familiales arpenter des parcours et des latitudes où mes baskets n'avaient pas encore aventuré leurs semelles. L'estuaire de la Gironde et ses vastes plages ont plutôt été accueillants et la chaleur de la Côte d'Azur de l'époque ne m'a pas trop manqué. La Tunisie m'a été moins bénéfique. Le charme et le décalage de devoir s'entrainer en des lieux insolites n'ont pas suffi à compenser l'inquiétude et la trop forte concentration à devoir s'entrainer en des lieux insolites. La mythique course Marseille-Cassis est venue s'intégrer dans le programme. Elle fut ravissement, explosion de joie et grande et belle découverte ; cependant, elle laissa quelques traces de fatigue, plus dues au voyage qu'à la course.
Enfin, à 10 jours du top départ, un gros rhume ou angine ou autre rhino-pharyngite, dont je refuse même de connaitre le nom m'a cloué sur place, en plein envol, en pleine préparation. C'est déloyal, n'est-ce-pas ? Les vents traitres du bord de mer n'ont pas reconnu le mérite d'un senior aussi rigoureux dans sa préparation et lui ont infligé une épreuve supplémentaire. Et comme prévu, c'est plus l'inquiétude de l'épreuve que l'épreuve elle-même qu'il a fallu combattre. A cette heure, je ne sais toujours pas si je suis sorti d'affaire.
Quoi qu'il en soit, je serai sur la Promenade des Anglais, dimanche à 8 heures, avec quelques milliers d'autres coureurs, avec en ligne de mire la Croisette à Cannes, 42,195 kilomètres plus loin. La dernière fois, ce fut 4 heures 21 minutes et 18 secondes plus tard.

mardi 15 novembre 2011

C'est l'avenir qu'on assassine

On en bouffe depuis quelques temps des menus avec comme ingrédients les mots crise, récession, déficit, etc.
Et ainsi donc, de réformes en rigueur, nous allons de rigueur en réformes. Soit dit en passant, je me demande pourquoi on pense aux parapluies quand il pleut à torrents. Mais passons.
Ce n'est pas ça qui m'amène là tout de suite maintenant avec ce "billet d'humeur".
Hier soir, je regardais les infos télévisées. Je savourais la libération d'otages dans le flux nauséabond. On m'a alors raconté l'histoire des arrêts maladies.
Et j'ai secoué la tête. De dépit.
Me disant, mais c'est pas vrai, c'est pénible.
Ce que je n'aimais pas, c'est qu'une fois encore, on oppose les gens entre eux. On remet sur le tapis les différences entre le privé et les fonctionnaires. On fait croire qu'il y aurait un seul moule, et deux traitements, dont un évidemment serait scandaleux et l'autre vertueux. On voudrait aussi une fois encore nous convaincre que le public, ça se traite comme le privé.
Comment dans cette ambiance délétère peut-on espérer adhésion ?
Qu'on s'attaque aux arrêts maladies, fort bien. Qu'il y ait des abus, sans doute. Qu'il faille vérifier, évidemment.
Mais ce qui m'insupporte de plus en plus, c'est la manière dont les choses sont posées.
Ces soupçons permanents qui sont distillés comme du fiel. Aveu d'impuissance ?
J'écoute le gouvernement, le président, je lis, écoute, regarde ce que les médias produisent, et je me dis, mais heureusement qu'ils sont là, ces gens-là, parce que franchement, nous autres, nous ne sommes que des délinquants. Des tricheurs. Des profiteurs.
Je me dis surtout que c'est pénible, ce traitement.
Qu'elle est lourde et pesante, cette idéologie.
Car au fond, c'est bien cela qui est mis en oeuvre. Une idéologie.
Qu'ils sont pratiques, alors, les efforts demandés.
Qu'elle tombe bien cette crise qui demande de changer des choses et de rogner sans cesse sur tout ce qui a été mis en place.
C'est pas le passé qu'on remet en cause, c'est l'avenir qu'on assassine.

lundi 14 novembre 2011

Intérêt général ou intérêt particulier ?

« Un vieil adage affirme qu’en matière fiscale, chaque niche est gardée par un molosse. Entendez un puissant lobby disposant d’un pouvoir de représailles, en général électoral. Il n’est pas absurde de mesurer la grandeur des responsables politiques à leur capacité de résistance et à leur volonté de faire prévaloir l’intérêt général sur des intérêts particuliers ». [Journal Libération, sept. 2011]

Lire plus ? Cliquer ici.

samedi 12 novembre 2011

Le charme en moins

Samedi 12 novembre. 15 h 23.
Le crac de l'arbre qui tombe retentit. Il fait taire quelques instants la tronçonneuse. Le temps même semble se suspendre. Il s'est affalé presque voluptueusement dans l'herbe encore grasse, le grand gaillard. A l'aise dans la sciure.
Soudain, l'après-midi ensoleillé se prive de charme dans une jolie lueur d'automne.
D'au moins, un disons.
Il était malade, le pauvre.







vendredi 11 novembre 2011

mercredi 9 novembre 2011

Envie d'être chat

Envie d'être chat, ce soir.
Une pensée presque saugrenue pour moi qui n'aime pourtant pas trop ces bestioles, la faute aux allergies, à moins que ce ne soit ce regard si particulier du quadrupède moltonné.
Je n'aime pas trop cet animal mais ça ne m'empêche pas de l'envier parfois.
Une vie de chat, à en juger par celui du voisin que je croise parfois, ça ne doit pas être si mal.
Envie d'être chat, ce soir, d'être tout doux, tout au chaud, envie de ronronner, aussi, de me pelotonner dans un pull bien chaud, un canapé bien moelleux.
Une idée au poil finalement quand on sort des griffes du boulot et que déjà il fait nuit et que même le froid semble se mettre dans l'air du temps.
Envie d'être chat-leureux, chat-bada, que sais-je encore.
PS : vous pouvez lire ce billet en chantonnant ceci. Ou bien encore chat.

Source de l'image ici.

lundi 7 novembre 2011

Des petits t(ours) avec l'Ursus Arctos

Source de l'image ici.
Et alors, nous partîmes. Un lundi, alors que la nuit tombait déjà bien qu'il ne soit pas si tard que cela, le mitan de l'après-midi.
Nous partîmes d'abord sur les traces des animaux menacés dans nos contrées.
Liste rouge.
Où l'on apprend qu'une espèce sur dix l'est. Et pensées en passant pour quelques disparus tels le " Bouquetin des Pyrénées, la Baleine des basques, et le Phoque moine, disparu des côtes provençales dans les années 30 et de Corse à la fin des années 70 ".
Ensuite nous allâmes sur les traces de l'ours brun d'Europe. Nous en vîmes une fois non loin de chez nous, plus précisément ici. C'est en tout cas sur cet animal que notre collégien à choisi de se pencher.
Le présenter, d'abord.
Evoquer ensuite ce qui le menace, ce que l'homme a fait, et ce que cet homme fait aujourd'hui pour le sauvegarder.
Comparer les infos, fouiller, creuser, imprimer, découper.
D'ores et déjà sympa, la balade.
Mais pas terminée.
Dossier à construire, maintenant. Coller, noter, résumer, expliquer. Choisir.

samedi 5 novembre 2011

A propos... de la gentillesse

C'est ma réflexion du moment. Elle porte sur la gentillesse. Elle peut vite avoir un côté bisounours, c'est certain Mais ça n'est pas le cas. Il y a là une vraie matière, je trouve. A dire, à réfléchir, sans sourire en coin. Simplement prendre quelques minutes en se disant et pourquoi pas ?
Ça m'est peut-être venu en prenant connaissance de ce qui nous est proposé le 13 novembre. Mais pas que. Je me dis qu'on y gagnerait tous dans nos vies à être plus gentils.
Vis-à-vis de soi. Bien sûr. Et vis-à-vis des autres.
N'empêche, on ne trouve pas tant de choses que ça sur la gentillesse, sur le web. Je veux dire si on sort de tout venant.
Un texte ici, toutefois.
J'ai notamment relevé ça : la gentillesse, semble paradoxalement sous-estimée, voire méprisée. C’est un subtil mélange de politesse, de respect de l’autre, ou d’altruisme que chacun dose en fonction de son caractère ou des circonstances.
Et puis aussi, qui rejoint ce que je pense : Dans les pays policés où règnent un minimum de lois et d’abondance économique, l’usage de la gentillesse est un antidote au stress créé par un monde hyper compétitif. Son bénéfice premier est de désamorcer de nombreux conflits, et de faciliter les débats. Favoriser la gentillesse est sans doute une manière d’humaniser cette société égoïste et brutale qui se fixe des idéaux irréalisables.
Et enfin, rayon vie professionnelle : Dans une société où l’information, la compétence, ou la gestion des ressources humaines importent de plus en plus, la gentillesse alliée à un minimum de charisme, à une exemplarité professionnelle et à une vision claire des situations, devient une arme beaucoup plus productive que la crainte. Elle favorise des rapports humains et professionnels décomplexés, met de l’huile dans les engrenages de la hiérarchie, impose la courtoisie.
Ailleurs sur le net, un blog qui fait l'éloge de la gentillesse. Où l'on voit que l'idée fait son chemin.
Un extrait dans lequel il y a de la matière :
Attitude moquée et dénigrée, la gentillesse ne fait aujourd’hui plus recette. Cyniques, nous vivons dans un monde où tout don vaut abandon, pour ne pas dire défaite. (...) S’intéresser à la gentillesse suppose donc soit de se soumettre à la raillerie, soit de remettre à leur place le rôle et le mérite de cette notion. Sauf erreur de notre part, la gentillesse ne se rencontre dans aucun dictionnaire de philosophie. (...) Nous devinons aisément qu’elle se trouve dans un angle mort de l’étude de la sagesse qui la méprise implicitement en ne reconnaissant dans cette attitude ni une vertu ni un concept. (...) Trop longtemps confondue avec des espèces voisines (naïveté, mièvrerie, crédulité), la gentillesse est une réalité vivace encore méconnue. Derrière son apparente simplicité se cache en effet une vertu efficace et stratégique aux antipodes des visages qu’on lui prête habituellement. (...)
Plus sur sur le net ?
Un article ici.
Un autre là.
Et pour finir ceci.

vendredi 4 novembre 2011

Le "Tigre" de Villefranche

Il pleuvait fort ce matin. Mais, il n'était pas question de manquer ma séance de course à pied. Plus par devoir que par plaisir, je mettais un pied devant l'autre et les deux dans les flaques d'eau, sans conviction et avec le seul objectif de la satisfaction du retour.
Je ne m'attendais qu'au temps qui passe et à l'eau qui tombe. Aucune starlette éblouissante à prévoir, aucune sportive ensoleillée imaginable et pas plus de poésie portée dans un couffin de marché, sur un vélo altier ou entre des doigts de promeneurs enlacés.
"Ce sera triste et ce sera fait". Voilà, ce que je me suis dit.
C'était sans compter sur la Providence (que chacun appelle comme il veut d'ailleurs) toujours bonne copine.

La descente était raide et je regardais mes pieds, prudent comme un coureur expérimenté donc échaudé. Lorsque je relevai les yeux, mon cadeau du jour était là.
Le physique de Jacques Tati, la moustache de Clémenceau et l'âge des deux réunis en imaginant qu'ils ne soient morts ni l'un ni l'autre.
Il gravit la colline sans toucher le sol. Ses longues jambes semblent échasses. Il est vivace, vivant et pourtant il devrait être mort tant il parait vieux. Alerte comme un cheval fougueux, il file vers le haut quand je me retiens de glisser vers le bas. Sa silhouette est longiligne comme un trait de crayon optimiste. Les épaules ouvertes offrent sa poitrine à la pluie devenue battante, sans qu'elle ne l'impressionne plus que ça. Il brave la tempête, comme il a dû le faire depuis toujours. Le parapluie est là. Mais, refermé et accroché à l'avant-bras. On a dû l'obliger à le prendre. L'imperméable est noir et le béret aussi. Un vrai béret, celui des clichés de chez nous.
Cette image aurait largement suffit à mon bonheur du jour. Largement.
Mais, les cerises subliment souvent les gâteaux et c'est là, que le large sourire de Clémenceau me lance un "Bonjour" franc, droit, jeune et dynamique. Ma main se lève, mon sourire ouvre les volets, ma réponse intimidée sort et mon corps instantanément se courbe. Le Monsieur mérite la révérence. Il a deux cents ans, vous dis-je et l'énergie d'un amoureux. Fougueux et sage, il partage.
Voilà, c'est décidé, Monsieur qui passiez, je vous emmène sur mon dos pendant mon prochain marathon. Je ne pourrai être en meilleure compagnie. D'ici là, je ne courrai plus, je volerai Monsieur. Pour vous.

Cette scène n'aura pas duré cinq secondes. Il y en a de la vie en cinq secondes.

jeudi 3 novembre 2011

Aujourd'hui jour de Jupiter, si tu es né le 3ème jour du 11ème mois calendaire (peu importe la phase lunaire), ceci est pour toi


Il y a des personnes pour qui l'on ne ressent pas grand chose et que l'on voit tout le temps. Au boulot, par exemple, ou dans la cage d'escaliers, ou bien encore à la caisse du supermarché du quartier. Des gens à qui l'on dit poliment bonjour, bon appétit, mais je vous en prie, au revoir, bonne soirée, etc...

C'est très faux-jeton, finalement, parce que l'on ne pense pas un seul mot de ce que l'on souhaite à toutes ces personnes mais on le dit quand même car cela nous a été inculqué, rabâché, seriné... et c'est bien imprimé, maintenant ! Oh oui ! C'est de la bonne et gentille politesse qui nous permet de bien vivre notre quotidien en société.
Et, dans un sens, c'est tant mieux.

Mais ce qui m'ennuie un peu, dans tout ça, c'est qu'autour de nous (mais là, on élargit "l'autour"), il y a nos amis, nos familles (de sang ou de coeur). Ces personnes-là ne vivent pas dans notre périmètre proche. Elles vivent dans une autre région, voire à l'étranger. Aucun risque de les croiser dans les escaliers ou dans l'ascenseur. Alors le supermarché du coin, pensez donc !!! Et le plus ennuyeux, dans tout cela, c'est qu'à elles, on aimerait dire bonjour tous les matins. On adorerait leur souhaiter un bon appétit, les prier d'accepter qu'on leur cède le passage, qu'on leur tienne la porte. Au revoir prendrait tout son sens parce qu'on saurait qu'on les reverrait très vite. Celles-là, sont loin. Ah bien-sûr, elles ne sont pas toujours au bout du monde, évidemment ! Mais lorsqu'un week-end est bien trop court pour pouvoir allez embrasser celles et ceux à qui l'on tient, c'est que la distance est déjà bien conséquente. Alors, il reste le téléphone (et là, on n'est pas à l'abri de déranger un peu...), la Poste (et ses aléas dans la distribution du courrier) et Internet (qui reste relativement fiable tant que les box ou le Câble n'ont pas subi la foudre). C'est mieux que rien, hein !

Alors, pour nos amis qui sont loin de nous, à qui l'on tient et à qui l'on ne peut pas souhaiter un bon anniversaire par exemple, quand on veut et comme on veut, je joins les paroles d'une chanson d'Alain Barrière et j'embrasse bien fort mon ami né un trois novembre (il se reconnaitra) :

Puisque le temps nous est donné
Ce jour de boire à ta santé
A tes amours, à l'amitié
Ami pour toi, je viens chanter

Jour attendu et redouté
Mais vrai bonheur de partager
Ce bon moment d'intimité
Alors laissons le coeur chanter

Bon anniversaire
C'est le temps venu
De lever nos verres
A ce temps que tu n'auras plus
Bon anniversaire
Sois le bienvenu
Lève aussi ton verre
Tu prendras bien un an de plus
Une année de plus

(Refrain)
Ahahahah le temps qui vient, le temps qui va
Ahahahah ce temps n'a pas prise sur toi
Ahahahah le temps qui vient, le temps qui va
Ahahahah ce temps n'a pas prise sur toi

Que l'on soit pauvre ou fortuné
C'est le jour de tout oublier
Vivre un moment privilégié
A graver dans l'éternité

Salut à toi sérénité
Faut laisser place à la gaieté
Chaque fois c'est un an d'gagné
Alors laissons le coeur chanter

Bon anniversaire
C'est le temps venu
De lever nos verres
A ces douze mois révolus
Bon anniversaire
Sois le bienvenu
Lève aussi ton verre
Tu prendras bien un an de plus
Une année de plus

(Au Refrain)

Puisque le temps nous est donné
Ce jour de boire à ta santé
A tes amours, à l'amitié
Ami pour toi je viens chanter

Jour attendu et redouté
Mais vrai bonheur de partager
Ce bon moment d'intimité
Alors laissons le coeur chanter

Bon anniversaire
C'est le temps venu
De lever nos verres
A ce temps que tu n'auras plus
Bon anniversaire
Sois le bienvenu
Lève aussi ton verre
Tu prendras bien un an de plus
Une année de plus

(Au Refrain)

Alors à toi !
Bon anniversaire !

mardi 1 novembre 2011

Côte d'Opale et Nord Pas de Calais (2)

Dans la série rapport d'étonnements, voici quelques notes prises lors d'un séjour automnal dans le Nord - Pas de Calais.
La suite* du séjour passe un petit hôtel. Il est sympa. Tout en simplicité. Une belle salle à billards se niche dans l'établissement. Secrète. Une famille située au-dessus de nous mettra juste un peu de temps à s'endormir.
En ce dimanche d'automne, c'est balades et contrastes.
Les sites sont beaux. Nous découvrons un château digne des fêtes d'Halloween. Petite promenade aménagée, étangs, promeneurs, joggeurs.
Puis première plage. L'immense sous nos pieds. On s'attend à du sable mou alors qu'on se rapproche des vagues. C'est curieusement dur comme de la pierre. De la dalle. Et la dalle commence à surgir. On tombe ici sur un petit marché. Il y a un vin d'honneur à la mairie.
Direction alors la côte, non sans trouver étonnantes ces quilles renversées.
Pas folichonne au premier abord, la ville de Boulogne. On se promet de repasser, parce qu'une ville dans la ville s'est dressée. Ville fortifiée, en l'occurrence.
Cap vers les caps, ensuite.
Le temps nous manquera. On ne fera pas le gris. On ratera ça aussi. C'est dans ces moments-là qu'on se dit qu'on reviendra. Le choix s'est porté sur le cap blanc-nez. Majestueux.
D'abord, c'est pieds dans l'eau. Sur un petit mètre, entre falaise et mer, eau douce et eau salée voisinent. L'eau étire les galets en se retirant. Effrite la falaise en travail de titan.
Ensuite c'est pedibus et montée nez au vent dans la mémoire.
Direction Calais, histoire de suivre les bateaux et de plonger dans l'ambiance d'un port. Puis gâteaux non loin de la mairie. Et troquet dans l'une des principales artères.
Le lendemain, c'est aquarium. Nausicaa. Un nom anagramme, aussi. Une jolie découverte.
Il reste quelques heures avant de rejoindre pénates.
Nous choisissons de voyager sur la dune.
D'abord celle-ci. Sainte-Cécile. Ensuite celle-là. Touquet-Plage. Où une étonnante marée... humaine se dessinera le long de la plage. Des chiens s'ébrouent. Des chevaux trottent.
Nous profitons du changement d'heure pour avoir le temps de voir le coucher de soleil.
Et regagnons la Lorraine.

Le premier épisode est ici.

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