jeudi 30 juin 2011

SORTIE DE TUNNEL



Ce fut d'abord un clic sur un site visité de temps en temps. Mais rarement commenté. Une forme de timidité peut-être, voire même une certaine gêne. Celle de ne plus en être, d'avoir abandonné, d'avoir perdu l'envie...

Ce fut une histoire, ensuite. Jolie, bien imaginée, un peu tristounette. Le genre d'histoire touchante qui plait toujours. Je le sais, je l'ai pratiqué...

Ce fut un prénom, celui de l'auteure. Un prénom que j'aime parce que je le trouve terriblement sexy mais pas vulgaire. Il m'évoque la chanteuse brune au regard profond, celle-là même qui ne s'habillait qu'en noir mais dont les mots étaient comme des couleurs sur une palette de peintre. Elle les mêlait, les panachait, les fondait entre eux et, à chaque fois, il en ressortait une magnifique œuvre vocale...

Ce fut un commentaire. Pas complètement faux. Mais un peu abrupte, tout de même. Bon, ce commentateur en particulier, est ainsi : quand il vous aime, il s'exprime. Et quand on le connait, on apprécie cette franchise qui fait de vous un ami. Ben oui, que voulez-vous, si on doit tourner autour du pot avec les amis, avec qui peut-on être franc et naturel, je vous le demande !...

Enfin, tout ça pour dire que c'est parti de pas grand chose, trois fois rien. Un site, un texte, un prénom, un commentaire et... l'envie furieuse de titiller le clavier à toute vitesse. Une faim de narration, une frénésie de vocables à mettre les uns à côté des autres, les déplacer, les effacer pour finalement les replacer comme ils étaient à l'origine. Ou presque. Oh oui, ce besoin de raconter des histoires que l'on ne raconte à personne. S'exprimer sur ce qui touche, ce qui choque, ce qui procure du bonheur, ce qui révolte, ce qui indiffère aussi...

L'envie...


Je crois qu'elle, celle au prénom sexy, m'a redonnée l'envie. L'envie de quitter
mon passage protégé. Reprendre les chemins de traverse. Voyager n'importe où, n'importe quand, à la vitesse de ma dactylographie. Voyage éclair pour mains fébriles ou flânerie pour doigts placides durant dix minutes ou quelques heures.

L'envie...

De reprendre contact avec toutes ces personnalités citadines, rurales, sportives, écolo, littéraires, peintres, photographes, bricolo, engagées, anonymes, inconnues ou non.

Une envie qui bascule, sur un passage protégé.. qu'elle ironie ......et c'est le début de la fin... d'une longue léthargie....

D'habitude, dans les jolies histoires, le Prince embrasse la Princesse pour l'éveiller. Pour le coup, le Prince étant occupé à terminer les préparatifs de ses proches épousailles sur le Rocher, c'est une jeune femme au prénom sexy (mais pas vulgaire) qui m'a réveillée...

Je n'ai qu'une envie...

Celle de te dire MERCI.

mardi 28 juin 2011

PASSAGE PROTÉGÉ


Ils ont.. oh, bien plus que moi, bien plus que vous, bien plus que 80 ans et sont toujours là. Lui c'est Claude, elle c'est ...elle... Je réalise que je ne connais pas son prénom.
Ils habitent leur 3 pièces coquet dans un immeubles des années 70.
Le matin, ils peuvent accueillir le soleil qui se lève sur la mer, et vérifier la ponctualité des trains. Ce n'est pas au choix, c'est un package : vue mer + vue rails.
La mer, ils l'apprécient même si la tente jaune est souvent baissée à l'arrivée des beaux jours.
Vue du haut, on la devine un peu usée, passée, mais toujours prête à protéger des rayons et de la chaleur quand ces derniers entrent de plein fouet dans leur chez eux rustique aux pièces un peu petites.
Petites mais c'est suffisant quand on à cet âge.

Jadis il y eut un chien qui habitait ce premier étage.
A l'heure où les films se finissaient, à l'heure ou j'allais récupérer mon linge dans le sèche linge, je voyais Claude sortir le toutou et rejoindre ses copains, ceux à qui la corvée du pipi incombait. J'imagine que Madame, elle, se préparait à se mettre au lit. Nous les femmes nous sommes toujours plus longues, le cérémonial du coucher prend toujours beaucoup plus de temps, alors Madame prenait de l'avance, pour que l'arrivée soit synchro...

Dès le printemps, si vous vous premeniez du côté du port, à coup sur vous croisiez Claude et sa dame entrain de siroter un verre à l'ombre d'un parasol. Lui un peu rustre, elle le "Bonjour Madame" toujours poli, souriant.
Il y eut bien des fois ou je me suis dit en rencontrant Claude, l'air renfrogné et le bonjour du bout des lèvres "Il a encore apprécié la crise de la petite... On a quand même la chance d'avoir des voisins sympas".
Claude, un brin sourdingue, vint pourtant un lendemain de fête s'excuser d'avoir frappé au plafond pour nous faire taire.. Il avait été excédé.
Pour le coup, c'est nous qui avions été sourds. Ses coups de balais, jamais nous ne les avons entendus.. pourtant il était tout penaud..et c'est en grand Prince, que d'un geste de la main, mon homme lui fit comprendre qu'on ne lui en tiendrait pas rigueur "Va je ne te hais point..."
Sale jeunes que nous étions.

Au 1er étage, ils prenaient toujours l'ascenseur mais quand nous arrivions ensemble devant la porte de l'élévateur, Madame me disait "Allez y, vous êtes chargée, et puis vous êtes au deuxième, et puis on a tout notre temps, on est à la retraite..".

Sa voix a lui est bourrue, sa voix à elle est chevrotante... Sous ses rides fines de peau très pale, on devine une beauté jadis bien réelle.
Sa carrure à lui est athlétique, tandis qu'elle est petite et menue, toujours bien mise, joliment coiffée....

Mais tout ça c'était avant, avant qu'un beau jour, ils décident de traverser sur un passage protégé, ce même jour où un motard semble pressé et oublie que comme son nom l'indique, les traits blancs sur la route sont là pour protéger le piéton.
C'est Claude qui va tout prendre pour protéger sa dame... Elle, ne serait plus là si...
Les semaines de convalescence succèdent aux jours interminables d'hôpital.
Madame prend toujours l'ascenseur, mais seule. Le chien n'est plus là. Son sourire est déjà moins flagrant. Sa voix est moins enjouée et sans doute plus chevrotante. Encore plus.

Et puis Claude rentre un beau jour. Claude est l'ombre de lui même. Cet ancien prof de sport est décharné, maigre. La canne prend la relève du déambulateur . Il se renfrogne de plus en plus. Lui arracher un sourire, est devenu mission impossible. La TV est de plus en plus forte et de plus en plus allumée. Du matin au soir.
La sortie journalière s'est considérablement raccourcie. Dans le meilleur des cas, c'est la place, quand ce n'est pas un tour sur le parking.. "Par ce que le docteur a dit qu'il fallait marcher".
Depuis la mort de la centenaire, ils sont sans conteste les plus vieux de l'immeuble.
A l'époque, les croiser dans les escaliers ou dans l'entrée, c'était prendre le risque de s'entendre dire "Ah, la petite elle n'était pas contente ce matin"...Honteux, juste un oui inaudible la tête baissée, c'était notre réponse... depuis l'accident, c'est l'angoisse de le voir dépérir un peu plus chaque jour.

Comme un malheur n'arrive jamais seul, l'autre jour c'est Madame qui est partie en ambulance. Claude est resté seul, puis son fils de 60 ans passé, vieux garçon gendarme (de cause à effet?) est venu passer du temps avec son père.
Oh, c'est rien des problèmes de vieux, la santé qui fout le camp....Ca c'est ce que Claude dit. C'est une tumeur au cerveau, ça c'est ce qu'en disent les médecins, et le fils.
Mais il vaut mieux que Claude l'ignore. Ca n'arrangerait pas les choses.
La télé hurle toujours, mais plus d'éclats de voix, ils ne s'engueulent plus. Avec qui voudriez vous qu'il s'engueule ce pauvre Claude, avec son fils?

Et puis ce soir, il est 18h30, le linge m'attend dans la machine, il attend le transfère vers le sèche linge. Je me penche au balcon et je vois sa grand silhouette toute voûtée, sa casquette sur la tête. D'une main il tient sa canne, de l'autre.. ça ressemble à une housse de boules de pétanques... Mais je doute... pourtant.
Soudain j'entends cette voix chevrotante, familière "Allez, profite...".
Ca vient de dessous. Il se tourne et me regarde. Son regard est dur, presque accusateur. ET puis "ouh ouh, là, c'est moi.. allez, profite bien, amuse toi et ne t'inquiète pas, je vais bien".
Son regard ne s'est pas adouci, mais il l'a a du la voir, celle qui vient de lui parler. Il tourne les épaules et reprend son chemin. Il semble si vulnérable à présent.
J'ai un noeud dans la gorge.
Elle est rentrée, mais pour combien de temps?
Claude semble vraiment très fatigué.
Sa voix a elle est calme et rassurante, à la façon d'une mère qui parlerait à son enfant.
Son pas à lui est hésitant, mal assuré... Il s'éloigne. Je le vois disparaître à travers les feuillages des arbres touffus du boulevard.

Toute une vie à partager, à s'aimer, à se querelle, à vivre quoi! Et arriver comme ça, sur la fin.. à devoir se cacher des choses, pour tenir, pour protéger.

Une vie qui bascule, sur un passage protégé.. qu'elle ironie ......et c'est le début de la fin....

lundi 20 juin 2011

Ce type me fait peur.

Comme tout bon cordonnier qui regarde les gens dans les pieds, ou toute couturière qui débusque l'ourlet défait à trois kilomètres, Lui, passe son temps à analyser les comportements.
C'est vous dire à quelle vitesse il se fait des ennemis.
C'est vrai quoi, c'est malsain ces petits yeux qui vous rentrent dans l'être et cet air viscelard qui vous déshabille l'âme. Et son silence, hein, vous ne le trouvez pas suspect son silence ? Vous l'avez déjà entendu parler de lui ? Jamais. C'est qu'il doit avoir quelque chose à cacher. C'est pas très sain tout ça, j'vous l'dis.
On dirait qu'il a un crayon et un calepin dans la tête. Je les vois qui s'agitent derrière le sourcil brousailleux et circonflexe. Moi, je ne m'en approche pas, je l'sens pas celui-là.
Le pire, figurez-vous, c'est quand il vous prend pour cobaye. Vous êtes là, dans une soirée, à décompresser, à vous détendre. Et le lendemain, vos faits et gestes sont décrits, critiqués, analysés et jugés dans un article de blog. Pas bête, il a romancé, changé le masculin en féminin, la brune en blonde et la réalité vécue en fiction annoncée. Non seulement vous êtes honteux d'avoir été si transparent, mais en plus vous avez l'impression d'avoir été la victime d'un voyeur, voire d'un violeur d'être.
Si l'occasion vous est donnée de le lui reprocher, c'est vous qui vous retrouvez dans les cordes, parce que Monsieur a réponse à tout. Aucune mauvaise intention de sa part, il ne sait pas fermer les yeux, il ne voit que ce qui est, et après tout, ses observations peuvent servir à d'autres. C'est sa mission, dit-il.
Plus tordu encore, il est capable d'écrire tout ce que je viens de faire et qui est censé le mettre dans une mauvaise position sans aucun problème. Il est capable d'écrire pour moi, le mal que je pense de lui et de le partager. Ce type me fait peur.

mercredi 1 juin 2011

J'adore les voyages

J'aime les voyages.
Plonger dans la forêt de Démocrite.
Éclairer la grotte de Diogène.
Arroser le jardin d’Épicure.
Chevaucher la monture de Montaigne.
S'abreuver à la source du savoir.
Se perdre dans les noirs de Soulages.
J'adore les voyages.
Ces déplacements d'âme n'ont pas leur pareil. Ils remplissent d'or liquide, enrichissent sans tintement, "paroxysent" l'Être, construisent en coulisses, nourrissent sans fard.
J'aime ces voyages.

Je hais les voyages.
Con comme une valise, dit-on ? J'ai trouvé pire. Une valise à roulettes... Une carte postale... Le récit de voyage d'un autre...
Je déteste les voyages.
Troupeau de m'as-tu-vu déguisés.
Surexcités alignés, fouillés, cadrés, fliqués, encadrés, minutés, stéréotypés.
Euphoriques au badge VIP de moins VIP qu'eux.
Satisfaits, rassasiés d'apparence.
Je hais ces voyages.
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